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Des nouveautés pour les entrepreneurs individuels

La loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante doit « offrir aux entrepreneurs un cadre plus simple et protecteur au moment de la création d'entreprise et pour les accompagner tout au long de l'exercice de leur activité ». Le texte publié le 15-2-2022 simplifie les statuts de l’entrepreneur, favorise la transmission d'une entreprise ou son passage en société, et renforce la protection des travailleurs indépendants.

Un nouveau statut pour les entrepreneurs individuels (art. 1)

Un statut unique est créé pour les entrepreneurs individuels, protecteur de leur patrimoine personnel. Ainsi, toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante ne répondrait plus, en principe, de ses dettes professionnelles que sur son patrimoine professionnel. Par ailleurs, la transmission du patrimoine professionnel des entrepreneurs individuels est facilitée (art. 1). Ces mesures entrent en vigueur 3 mois après la promulgation de la loi, soit le 15-5-2022.

Une définition de l’entrepreneur individuel

L’entrepreneur individuel est défini à l’article L 526‑22 du Code de commerce comme « une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes ».

Cette définition de l'entrepreneur individuel englobe les membres des professions libérales réglementées exerçant en nom propre, sans que cela soit expressé­ment mentionné.

Une meilleure protection de son patrimoine personnel

Alors qu’aujourd’hui seule la résidence principale de l’entrepreneur individuel est protégée de ses créanciers professionnels, le nouveau statut d’entrepreneur indi­viduel permet de protéger l’ensemble du patrimoine personnel de l’indépendant, qui devient par défaut insaisissable par les créanciers professionnels.

En effet, tout entrepreneur individuel est titulaire, en application de la loi et sans qu'aucun acte de volonté ou aucune formalité soit nécessaire, de deux patrimoines :

- un patrimoine professionnel constitué des « biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes ». Ce patrimoine ne peut être scindé ;

- un patrimoine personnel constitué des éléments de son patrimoine non compris dans le patrimoine professionnel.

La loi précise que cette distinction des patrimoines personnel et professionnel de l’entrepreneur individuel ne l’autorise pas à se porter caution en garantie d’une dette dont il est débiteur principal.

L’entrepreneur individuel n'est tenu de remplir son engagement à l'égard de ses créanciers dont les droits sont nés à l'occasion de son exercice profes­sionnel que sur son seul patrimoine professionnel, sauf sûretés conventionnelles ou renonciation.

Ainsi, seuls les éléments utiles à l’activité profession­nelle de l’entrepreneur individuel pourront être saisis en cas de défaillance professionnelle. Le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel constitue le gage général des créanciers dont les droits ne sont pas nés à l’occasion de son exercice professionnel. Toutefois, si le patrimoine personnel est insuffisant, le droit de gage général des créanciers peut s’exercer sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos.
 

Option pour l'IS

Les entrepreneurs individuels imposés selon un régime réel (normal ou simplifié) peuvent opter pour leur assimilation, sur le plan fiscal, à une EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée) ou à une EARL pour les agriculteurs. Cette assimilation entraînant option pour l’impôt sur les sociétés. Si l’assimilation à une EURL est irrévocable, l’option pour l’IS est révocable pendant 5 ans.

L’assujettissement à l’IS permet également la déduction des salaires versés à l’entrepreneur et leur imposition à l’impôt sur le revenu selon les règles des traitements et salaires (Loi 2021-1900 du 30.12.2021 art. 12).

 

 

À noter : l’entrepreneur peut renoncer au bénéfice de cette séparation des patrimoines en faveur d’un créancier professionnel pour un engagement spécifique dont il doit rappeler le terme et le montant, qui doit être déterminé ou déterminable (C. com. art. L 526-25), par exemple pour obtenir un crédit bancaire. Dans ce cas, ses biens personnels et professionnels deviendraient alors saisissables en cas de défaillance. Cette renonciation ne peut intervenir avant l’échéance d’un délai de réflexion de 7 jours francs à compter de la réception de la demande de renonciation, délai ramené à 3 jours francs si la renonciation est précédée de la mention manuscrite énoncée par décret.

Dans le cas où un entrepreneur individuel cesse toute activité professionnelle indépendante, le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel sont réunis. Il en est de même en cas de décès de l’entrepreneur individuel (C. com. art. L 526-22).
 

Quelques exceptions à la séparation des patrimoines

Si l’état de cessation des paiements est avéré à la date du décès de l’entrepreneur individuel, la procédure collective n’impactera que le patrimoine professionnel (dualité patrimoniale maintenue). À défaut, le droit commun des successions s’applique avec pour effet la réunion des deux patrimoines.

La séparation des patrimoines est, en toute hypothèse, inopposable à l'administration fiscale pour le recouvrement de l'impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux ainsi que de la taxe foncière afférente aux biens immeubles utiles à l'activité professionnelle de l'entrepreneur individuel et dont lui-même ou son foyer fiscal sont redevables. En revanche, les dettes dont l’entrepreneur individuel est redevable auprès des organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales relèvent du patrimoine professionnel.

 

 

La transmission de l’entreprise individuelle facilitée

La loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante favorise la transmission de l'entreprise individuelle. L’entrepreneur individuel peut céder à titre onéreux, transmettre à titre gratuit entre vifs ou apporter en société l’intégralité de son patrimoine professionnel, sans procéder à la liquidation de celui‑ci.

Ce transfert universel du patrimoine profession­nel emporte cession des droits, biens, obligations et sûretés dont celui‑ci est constitué. Ces mesures visent notamment à faciliter la transformation d'une entreprise individuelle en société, puisque l'ensemble des biens et obligations à caractère professionnel de l'entrepreneur pourraient être transmis à celle-ci sans formalités supplémentaires, sans l’obtention de l'accord de tous les créanciers cédés, et sans même que le recours à un commissaire aux apports soit nécessaire dans bien des cas, notamment en cas de constitution d'une société unipersonnelle.
Dans le cas où le cédant s’est obligé contractuellement à ne pas céder un élément de son patrimoine profes­sionnel ou à ne pas transférer celui‑ci à titre universel, l’inexécution de cette obligation engage sa responsa­bilité sur l’ensemble de ses biens, sans emporter la nullité du transfert (C. com. art. L 526-28).

Le transfert de propriété est opposable aux tiers à compter de sa publicité. Les créanciers de l’entrepreneur individuel dont la créance est née avant la publicité du transfert de propriété peuvent former opposition au transfert du patrimoine professionnel, dans un délai fixé par décret (C. com. art. L 526-28).

 

À savoir pour ne pas encourir la nullité du transfert

- le transfert de propriété doit porter sur l’intégralité du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel, qui ne peut être scindé,
- en cas d’apport à une société nouvellement créée, l’actif disponible du patrimoine profes-sionnel doit permettre de faire face au passif exigible sur ce même patrimoine
- ni l’auteur, ni le bénéficiaire du transfert ne doivent avoir été frappés de faillite personnelle ou d’une peine d’interdiction d’exercer (C. com. art. L 526-30).

 


Mise en extinction du statut de l’EIRL (art. 6)

Ses principaux avantages étant repris dans le nouveau statut d’entrepreneur individuel, le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), institué par une loi du 15-6-2010, cesse progressivement de s’appliquer.

Les personnes physiques exerçant actuellement leur activité sous le régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée à la date de publication de la présente loi demeurent régies par la section 2 du chapitre VI du titre II du livre V du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la présente loi.

À compter de la publication de la présente loi, soit depuis le 15-2-2022, il n’est plus possible de se soumettre au régime de l’EIRL en constituant un patrimoine affecté à son activité professionnelle. L’affectation à un patrimoine affecté déjà constitué ou le retrait d’éléments de celui‑ci demeurent possibles.

Ainsi la cession du patrimoine affecté à un entrepreneur individuel entraîne un transfert de propriété sans maintien de l’affectation, de même que pour la cession à une personne morale ou pour un apport en société actuellement. La cession ou la donation du patrimoine affecté à une personne physique qui n’exerce pas d’activité professionnelle indépendante en nom propre l’affectation est maintenue, car le bénéficiaire devient alors entrepreneur individuel sous le régime de l’EIRL à la place du cédant.

Des conditions d’accès à l’allocation travailleurs indépendants (ATI) assouplies (art. 11)

Créé par loi « avenir professionnel » de 2018, l’assurance chômage des indépendants – ou allocation des travailleurs indépendants (ATI) – permet depuis le 1-1-2019, aux travailleurs non salariés dont l’activité a cessé de bénéficier d’une allocation de 800 € par mois pendant 6 mois, sous réserve d’avoir exercé cette activité en continu pendant 2 ans, qu’elle ait cessé pour liquidation ou redressement judiciaire, d’avoir généré 10 000 € de revenus par an en moyenne et de disposer, à titre personnel, de ressources inférieures au montant du RSA. Cinq ans après sa mise en oeuvre, le nombre de bénéficiaires réels de l’ATI serait 40 fois inférieur à l’estimation de bénéficiaires potentiels identifiés.

Face à ce bilan et afin d’encourager le rebond profes-sionnel des travailleurs indépendants, la loi élargit les conditions d’accès à l’ATI aux entrepreneurs qui arrêtent définitivement leur activité devenue non viable (cessation définitive et totale d’activité déclarée auprès du CFE ou de l’Inpi). Le caractère non viable de l’activité est attesté par un tiers de confiance désigné dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.

L’ATI, reste fixée à 800 € par mois maximum et un montant plancher devrait être fixé par décret à 600 € mensuels. La condition d’un revenu minimum à 10 000 € est maintenue uniquement pour la meilleure des deux années précédant la demande d’ATI. Cette mesure permet d’assurer une équité en permettant que le montant de l’ATI ne dépasse pas proportionnel­lement le montant d’autres allocations intervenant en cas de perte d’emploi, tout en garantissant un mont­ant minimal.

La loi introduit également une limite de temps pour le recours à l’ATI. Ainsi, si un travailleur indépendant a déjà perçu l’allocation, il doit attendre une période incompressible de cinq années avant de pouvoir en bénéficier de nouveau (C. trav. art. L 5424-29 modifié).

Au plus tard le 31-12-2024, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport évaluant la mise en oeuvre de l'allocation des travailleurs indépendants comprenant notamment un bilan du nombre de béné­ficiaires et une analyse de la capacité d'insertion dans l'emploi des bénéficiaires à l'issue de la période d'indemnisation.

Prise en compte des dettes professionnelles (art. 5 et 10)

Les dettes professionnelles d'une personne physique sont désormais prises en compte, en même temps que ses autres dettes, pour l'appréciation de sa situation de surendettement ouvrant droit à l'ouverture d'une procédure de traitement du surendettement des particuliers (art. 5).

L’effacement de ces dettes de cotisations et contri­butions sociales des gérants majoritaires de SARL (sociétés à responsabilité limitée) est désormais possible dans le cadre d’une procédure de surendet­tement des particuliers (art. 10).

Facilitation de l’accès à la formation (art. 11)

La loi n° 2018-771 du 5-9-2018 organise la formation continue des travailleurs non-salariés via six fonds d’assurance formation (FAF) et dix-huit conseils de la formation (CDF) pour les artisans. Les chefs d’entreprise artisanale dépendent de deux guichets, à savoir le FAF des chefs d’entreprise exerçant une activité artisanale (FAFCEA) et les CDF intégrés au sein des chambres régionales des métiers et de l’artisanat (CRMA).

La loi prévoit la fusion du fonds d’assurance formation des chefs d'entreprise artisanale (FAFCEA) et des conseils de la formation des chambres de métier et de l’artisanat (CMAR) au 1-9-2022.

Un régime transitoire s’applique entre la publication de la loi et le 31-8-2022. Ainsi, jusqu’au 31-8-2022, la part de collecte non affectée au financement du compte personnel de formation des travailleurs indépendants et du conseil en évolution professionnelle versée par les personnes immatriculées au répertoire des métiers est reversée au fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise exerçant une activité artisanale.

 

Un "plan indépendant"

Ces mesures s’ajoutent à celles déjà votées dans le cadre de la loi de finances pour 2022 et de la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2022 et notamment :

- l’option possible de l’entrepreneur individuel pour l’impôt sur les sociétés (voir p. 8),
- le doublement du montant du crédit d’impôt pour la formation des dirigeants pour les micro-entreprises,
- les dispositifs de faveur concernant les transmissions d’entreprises,
- la réforme du statut du conjoint collaborateur,
- la modulation des acomptes de cotisations sociales,
- la renforcement de la protection sociale des indépendants …

 

 

Loi 2022-172 du 14 février 2022 JO du 15

© Lefebvre Dalloz


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