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Facturation électronique : enjeux et mise en œuvre pour les entreprises

La facturation électronique entre assujettis à la TVA (« e-invoicing ») ainsi que la transmission des données de transactions (« e-reporting ») entrent en vigueur de manière progressive à compter du 1-7-2024 en fonction de la taille des entreprises. Nous faisons le point sur les enjeux en présence ainsi que les modalités à anticiper par les entreprises.

Objectifs de la réforme

La réforme comporte deux axes principaux :

  • l’obligation d’émission et de réception de factures sous format électronique (« e-invoicing »). L'objectif est de dématérialiser les factures pour qu'elles puissent comporter des données structurées, c’est-à-dire des données qui constituent un socle de mentions et qui suivent une norme convenue entre les parties pour satisfaire aux exigences de l’EDI (l’échange de données informatisé) ;
  • l’obligation de transmission des informations et des données de paiement (« e-reporting »). Il s’agit pour une entreprise de transmettre à l’administration fiscale toutes les informations qui ne s’intègrent pas dans le champ de la facturation.

Les principaux objectifs de cette nouvelle réforme sont :

  • le renforcement de la compétitivité des entreprises grâce à la diminution de la charge administrative de constitution, d’envoi et de traitement des factures au format papier ainsi qu’à la sécurisation des relations commerciales (le coût d’une facture papier variant de 9 et 20 €, contre moins de 1 € pour une facture électronique) ;
  • la lutte contre la fraude fiscale ;
  • la facilitation, à terme, des déclarations de TVA par le préremplissage, ce qui constitue un gain de temps pour l’entreprise et une sécurisation de l’obligation fiscale.

Calendrier d’entrée en vigueur

Le déploiement de l’obligation d'émission de factures électroniques et de transmission des données de transactions sera mis en place de manière progressive, en tenant compte de la taille des entreprises :

  • au 1-7-2024 pour les grandes entreprises ;
  • au 1-1-2025 pour les établissements de taille intermédiaire (ETI) : effectif inférieur à 5 000 personnes dont le CA annuel n'excède pas 1 500 M€ ou dont le total de bilan n'excède pas 2 000 M€ ;
  • et au 1-1-2026 pour les TPE-PME : effectif inférieur à 250 personnes dont le CA annuel n'excède pas 50 M€ ou dont le total de bilan n'excède pas 43 M€.

La date à laquelle s’apprécie l’appartenance à une catégorie d’entreprises (grandes entreprises, ETI, PME et petites entreprises) est arrêtée au niveau de chaque personne juridique au 30-6-2023, sur la base du dernier exercice clos avant cette date ou, en l’absence d’un tel exercice, sur celle du premier exercice clos à compter de cette date.

Attention. L’obligation de réceptionner des factures sous format électronique sera obligatoire au 1-7-2024 pour toutes les entreprises et quelle que soit leur taille.

 

Entreprises visées Obligation d’émission 
et transmission de factures
Obligation
de réception
de factures
Grandes entreprises 1-7-2024 1-7-2024
ETI 1-1-2025
TPE-PME 1-1-2026

 

Pour les TPE-PME, une anticipation possible. Les TPE-PME qui le souhaitent peuvent toutefois choisir de se soumettre à ces obligations sans attendre le 1-1-2026. Si une PME décide d’émettre des factures électroniques avant le 1-1-2026, elle pourra choisir de transmettre tout ou partie de ses factures sous format papier ou sous format électronique. L’objectif est avant tout de permettre aux TPE-PME de s’approprier le dispositif dans les meilleures conditions possibles.

Pour les TPE-PME, une anticipation possible.

Les TPE-PME qui le souhaitent peuvent toutefois choisir de se soumettre à ces obligations sans attendre le 1-1-2026. Si une PME décide d’émettre des factures électroniques avant le 1-1-2026, elle pourra choisir de transmettre tout ou partie de ses factures sous format papier ou sous format électronique. L’objectif est avant tout de permettre aux TPE-PME de s’approprier le dispositif dans les meilleures conditions possibles.

 

 

Pour s’acquitter de ces obligations, les entreprises peuvent librement choisir de recourir :

  • soit à une plateforme de dématérialisation dite « partenaire » de l’administration ;
  • soit directement au portail public de facturation Chorus Pro (https://portail.chorus-pro.gouv.fr/ et cliquer sur le domaine « Facturation »).

Le dépôt d’une facture électronique n’est pas encadré par un délai particulier : les assujettis pourront déposer leurs factures au fil de l’eau.

À noter. Une expérimentation devrait être déployée sur le portail public de facturation dès le 3-1-2024, soit avant l’entrée en vigueur du dispositif.

Opérations dans le champ de la facturation électronique
(« e-invoicing »)

L’obligation d’émission et de réception de factures sous format électronique (« e-invoicing ») concerne l’ensemble des opérations d’achats et de ventes de biens et/ou de prestations de services réalisées entre assujettis à la TVA qui sont établis, ont leur domicile ou leur résidence habituelle en France dès lors qu’il s’agit d’opérations effectuées sur le territoire national. Il s’agit donc des transactions « domestiques » entre assujettis établis en France, soit en pratique les opérations dites « Business to business » (B2B).

Sont ainsi soumis à l’obligation de facturation électronique (CGI art. 289, I-1-a et d) :

  • les livraisons de biens ou les prestations de services situées en France (CGI art. 258 à 259 D) qu’un assujetti effectue pour un autre assujetti, ou une personne morale non assujettie et les acomptes se rapportant à ces opérations ;
  • les livraisons réalisées entre assujettis pour les livraisons aux enchères publiques de biens d’occasion, d’oeuvres d’art, d’objets de collection ou d’antiquité.

Les opérations exonérées de TVA (CGI art. 261 à 261 E) en sont exclues. Il s’agit notamment des prestations effectuées dans la santé, dans l’enseignement et la formation, des opérations bancaires et financières et d'assurance, de certaines opérations immobilières et de celles réalisées par les organismes sans but lucratif.

La facturation électronique a un périmètre circonscrit aux opérations qui entrent dans le champ de la TVA, réalisées entre assujettis établis en France et soumises aux règles de facturation françaises et qui donnent lieu à des factures comportant toutes les mentions obligatoires légales d’une facture.

Les documents autres que des factures ne sont donc pas dans le champ du dispositif. Dans une mise à jour de sa FAQ du 1-8-2022, l’administration précise toutefois certains cas particuliers (notes de débit, redditions de compte, vente et émission de bons cadeaux, paiement par des bons cadeaux).

Vente de bons cadeaux : dans le champ ?

- la vente de bon à usage unique est, par principe, soumise à la TVA : elle doit donc faire l’objet, selon les situations, d’une obligation de facturation électronique (si le bon est vendu à un assujetti à la TVA) ou de « e-reporting » (s’il est vendu à des particuliers) ;
- en revanche, la vente de bon à usages multiples n’est pas soumise à la TVA, dès lors qu’au moment de son émission le lieu de la livraison des biens ou de la fourniture de services n’est pas connu. Elle est donc hors champ de la facture électronique.

 

Opérations dans la transmission des données
(« e-reporting »)

L'obligation de transmission des données (« e-reporting ») concerne les opérations qui sont hors champ de l’obligation de facturation électronique, ce qui permet de reconstituer l’activité économique d’une entreprise dans son ensemble.

Sont soumises à cette obligation les transactions listées à l’article 290 du CGI, c’est-à-dire celles dans lesquelles intervient soit une personne non établie en France, soit une personne non assujettie à la TVA (« Business to consumer » B2C) :

  • l’ensemble des transactions intracommunautaires à partir et à destination de la France (les livraisons de biens meubles corporels et les prestations de services intracommunautaires) ;
  • les exportations et les prestations de services hors Union européenne ;
  • les livraisons de biens et les prestations de services à destination ou en provenance d’un assujetti établi à Monaco ;
  • les opérations imposables en France réalisées par un assujetti non établi.

À noter. Sont concernées les acquisitions intra-communautaires de biens. Toutefois, les importations ne rentrent pas dans le champ du « e-reporting », dès lors que l’administration peut obtenir ces informations auprès des douanes.

En revanche sont exclues de l’obligation de transmission des données (« e-reporting ») :

  • les transactions entre personnes non assujetties ;
  • les ventes à distance intracommunautaires et les ventes et prestations de services réalisées par un assujetti établi respectivement dans un autre État membre et en dehors de l’Union européenne lorsque cet assujetti s’est effectivement immatriculé à un guichet électronique ;
  • et les opérations exonérées de TVA (CGI art. 261 à 261 E).

Toutes les entreprises assujetties à la TVA qui sont établies en France sont concernées par le « e-reporting ». Les entreprises non installées en France, ou leur représentant fiscal le cas échéant (CGI art. 289 A), sont également soumises au « e-reporting » pour les opérations imposables qu’elles réalisent en France avec des personnes non assujetties (les particuliers notamment).

Les assujettis concernés communiqueront à l’administration les données relatives aux mentions figurant sur les factures électroniques qu’ils émettent. Pour cela, les données de facturation émises par les assujettis ayant recours au portail public de facturation (Chorus Pro) seront transmises par ce dernier à l’administration. Les données émises par les assujettis ayant recours à une autre plateforme de dématérialisation seront transmises par l’opérateur de plateforme de dématérialisation au portail public de facturation qui les communique à l’administration.

Remarque. La nature des informations, ainsi que la périodicité, les conditions et les modalités de leur transmission seront précisées par décret.

Par ailleurs, un annuaire central recensera, pour chaque entreprise, la ou les plateformes qu'elle aura choisies. Il sera alimenté par les plateformes de dématérialisation et par les entreprises et consulté par les plateformes aux seules fins d'adressage des factures électroniques.

Prestations de services et données de paiement

Pour les assujettis qui réalisent des prestations de services, les données relatives au paiement de ces opérations doivent être communiquées sous forme électronique à l’administration selon des normes de transmission définies par arrêté. Cette obligation concerne à la fois les prestations de services relevant du champ de l’obligation de facturation électronique et celles relevant de l’obligation de transmission de données.

La transmission des données de paiement devra être réalisée, d'une part, par l'assujetti sur lequel porte l'obligation d'émission des factures électroniques et, d'autre part, par l'assujetti sur lequel porte l'obligation de transmission de données. Les données à transmettre nécessaires à la détermination de l'exigibilité de la TVA ainsi que la périodicité, les conditions et modalités de leur transmission à l'administration seront précisées par décret.

Sanctions en cas de non-respect des obligations

Un dispositif de sanctions est prévu en cas de non-respect, par les entreprises concernées, de leurs obligations d’émission et de transmission.

Obligations
de l’assujetti
Montant de l’amende
par facture
Montant maximal
des amendes au titre d’une année civile
Non-respect de l’obligation
d’émission d’une facture électronique
(CGI art. 289 bis)
15 € 15 000 €
Non-respect de l’obligation de transmission des données relatives à certaines opérations 
et des données de paiement 
des prestations de services
(CGI art. 290 et 290 A)
250 €

 

Ces amendes ne sont pas applicables en cas de première infraction commise au cours de l’année civile en cours et des 3 années précédentes, lorsque l’infraction a été réparée spontanément ou dans les 30 jours suivant une première demande de l’administration.

Quelle facture en cas de contrôle ?

Dans le cadre de la mise en place d’une piste d’audit fiable, trois principes doivent être assurés à compter de l’émission de la facture et jusqu’à la fin de sa période de conservation (CGI art. 289, V) :

  • l’authenticité de l’origine, c’est-à-dire l’assurance de l’identité du fournisseur ou de l’émetteur de la facture ;
  • l’intégrité du contenu, c’est-à-dire le fait que le contenu de la facture tel que défini par la directive TVA n’a pas été modifié ;
  • la lisibilité de la facture grâce à un dispositif adapté et fiable permettant de visualiser la facture. L’assujetti doit être capable de présenter un « lisible » des factures émises et reçues à la demande de l’administration.

En cas de contrôle, l’administration doit pouvoir s’assurer de l’absence de fraude et comparer la facture émise et conservée par le fournisseur de celle reçue par le client de sa plateforme. Dans ce cas, le fournisseur devra ainsi présenter la facture émise par lui-même ou par toute autre personne en application d’un mandat de facturation. De son côté, le client présentera la facture au format reçu de sa plate­forme. Le fournisseur et le client devront conserver un exemplaire de la facture pendant une durée de 6 ans.

Au niveau de l’entreprise, quelles incidences pratiques ?

La mise en place de la facturation électronique implique d’importants changements organisationnels au sein de l’entreprise. Elle nécessite un état des lieux préalable des processus existants (réception des commandes, critères déclencheurs de la facturation, enregistrement des clients, gestion des paiements, etc.), une identification des directions concernées (commerciale, comptable, achats, etc.), ainsi qu’une cartographie des outils utilisés (progiciels de facturation, logiciels comptables, interfaces et systèmes de stockage des données utilisées…).

Ces changements doivent être anticipés pour pouvoir respecter le calendrier de la réforme. Si des coûts sont certes à prévoir lors de la phase de mise en place, les avantages de la facturation électronique sont toutefois clairement identifiés, une fois le système éprouvé.

 

Principaux atouts pour une entreprise :

- une optimisation du processus de traitement de la facture (envoi, réception, paiement) ;
- une sécurisation accrue des flux grâce à un moindre risque dans la saisie des factures ;
- une transparence garantie pour lutter contre les retards de paiement ;
- une meilleure prévision de trésorerie grâce à une centralisation et à un stockage des données ;
- un pilotage de l’entreprise affiné et un gain d’agilité.

 

 

Loi 2022-1157 du 16-8-2022 art. 26 ; Ord. 2021-1190 du 15-9-2021, JO du 16-9 ; FAQ Facturation électronique, mise à jour 1-8-2022 (impots.gouv.fr/facturation-electronique-entre-entreprises-et-transmission-de-donnees-de-facturation)

© Lefebvre Dalloz


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